
Olivier Faure, Boris Vallaud, et Patrick Kanner, arrivent pour une réunion avec le Premier ministre à Matignon
Le gouvernement français n'aura pas recours à l'article 49.3 de la Constitution, a déclaré vendredi le Premier ministre Sébastien Lecornu, qui a poursuivi ses consultations politiques et promis une "nouvelle méthode de partage du pouvoir" avec l'Assemblée nationale.
"J'ai décidé de renoncer à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, puisque cet article au fond permet au gouvernement d'interrompre les débats, d'engager la responsabilité du gouvernement et au gouvernement d'écrire la copie", a-t-il déclaré à Matignon.
"C'est un outil utile, mais (...) dans un Parlement qui fonctionne, dans un Parlement (...) qui a été renouvelé il y a plus d'un an, qui ressemble aux Français avec ses divisions, on ne peut pas passer en force et on ne peut pas contraindre son opposition", a expliqué le Premier ministre.
Sébastien Lecornu, qui s'est engagé à présenter un projet de budget "robuste" pour 2026 alors que son prédécesseur François Bayrou a été renversé à l'Assemblée nationale après l'échec d'un vote de confiance, a affiché son volontarisme.
"Renoncer à l'article 49.3 ne doit pas nous faire renoncer à ce que la France ait un budget", a-t-il dit, avant de rencontrer à Matignon les dirigeants du Rassemblement National (RN), du Parti socialiste (PS), des Écologistes et du Parti communiste français (PCF).
L'article 49.3 donne la possibilité au Premier ministre de faire adopter un projet de loi sans un vote de l'Assemblée nationale.
Olivier Faure, le premier secrétaire du PS, a cependant jugé la copie Sébastien Lecornu "très insuffisante", voire "alarmante".
"Il y a d'autres articles qui sont dans la Constitution et qui permettent pour le gouvernement de cornaquer, de caporaliser le débat. Et nous ne voulons pas de cette caporalisation", a-t-il dit à sa sortie de Matignon, soulignant que les députés n'auraient pas, en l'état, la possibilité de revenir sur la réforme des retraites que la gauche souhaite revisiter.
"À (Sébastien Lecornu) de dire ce qu'il est prêt à faire pour que tous les sujets soient sur la table, et pas uniquement ceux qu'il choisit. A cette condition-là, nous pouvons être amenés à ne pas censurer le Premier ministre dans le discours de politique générale."
LE RN ATTEND LUNDI
Une partie de l'opposition, tout en affichant sa méfiance, a salué la décision de Sébastien Lecornu.
Ne pas utiliser le 49.3 "m'apparaît plus respectueux de la démocratie que ce qui a pu être fait dans les années précédentes", a déclaré Marine Le Pen, présidente du groupe RN à l'Assemblée nationale, ajoutant que son parti évaluerait lundi la prise en compte de ses demandes par le Premier ministre.
Olivier Faure a également jugé que "renoncer au 49.3, c'est accepter l'idée que désormais, c'est le Parlement et lui seul qui aura le dernier mot", tandis que Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, mettait en garde : "Il ne faut pas qu'il y ait d'arnaques derrière."
Deux sources proches de Sébastien Lecornu ont en outre rapporté vendredi à Reuters que le locataire de Matignon avait proposé au PS une taxe sur le patrimoine excluant les biens professionnels, contrairement à la taxe Zucman visant les patrimoines supérieurs à 100 millions d'euros.
Selon Le Parisien, qui cite l'entourage de Sébastien Lecornu, celui-ci juge que le mécanisme proposé par Gabriel Zucman, économiste marqué à gauche, serait "dangereuse" pour l'économie et l'emploi, tout en considérant que "certaines optimisations fiscales de très grandes fortunes ne sont pas défendables".
"Ce que les ultrariches ne paieront pas, ce sont tous les autres Français qui auront à le payer", a prévenu Olivier Faure, estimant que "rien ne change fondamentalement".
LFI PROMET LA CENSURE
Marine Tondelier, secrétaire nationale des Ecologistes, a quant à elle dénoncé "une stratégie du chloroforme". Sébastien Lecornu "cherche à tous nous endormir en ne faisant rien, en ne disant rien, en bougeant le moins possible", a-t-elle dit, concédant toutefois que le renoncement au 49.3 constitue "un petit début d'inflexion des macronistes sur un sujet".
La France Insoumise (LFI), de son côté, a de nouveau appelé à un renversement du futur gouvernement qui devrait être formé la semaine prochaine. "Dès la nomination de ce gouvernement illégitime, nous déposerons une motion de censure pour nous opposer à ce naufrage et protéger le pays des conséquences graves du sauve-qui-peut macroniste", a déclaré Manuel Bompard, coordinateur de LFI, sur X.
Dans le camp présidentiel, sans surprise, la décision de Sébastien Lecornu a été applaudie.
"C'est le choix courageux de la confiance dans la démocratie parlementaire et le compromis", a déclaré Benjamin Haddad, ministre démissionnaire délégué chargé de l'Europe, sur X. Gabriel Attal, président du groupe Ensemble pour la République (EPR), a lui aussi salué "une décision courageuse", qui "place chacun devant ses responsabilités".
Sébastien Lecornu a également déclaré qu'il proposerait dans les prochains jours à Emmanuel Macron une liste de membres du gouvernement "qui devront accepter de rentrer aussi dans une nouvelle méthode de partage du pouvoir avec l'Assemblée nationale".
"Le gouvernement va devoir aussi lui changer de méthode. Des compromis avant la séance, pendant la séance, parfois aussi après les séances."
Abordant les revendications des oppositions, le Premier ministre a notamment promis "une amélioration de notre régime de retraites, notamment sur les questions de pénibilité pour les femmes", au lendemain d'une nouvelle journée de mobilisation intersyndicale.
(Rédigé par Claude Chendjou et Nicolas Delame, édité par Benjamin Mallet)
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